Paul Johnson se souvient du premier arbre qu’il a planté. Bien sûr qu’il s’en souvient – c’est un forestier urbain passionné par les arbres.

« Il se trouvait à l’extérieur de la maison familiale où j’ai grandi », indique-t-il. « La légende familiale veut que mon père et moi ayons trouvé un gland de chêne rouge germé lors d’une excursion de camping dans le sud-est de l’Oklahoma, alors que j’avais 18 mois. Nous l’avons ramené à la maison et l’avons planté, et il a pris de l’ampleur pendant plus de 40 ans. »

Quelque temps après la vente de la maison par les Johnson, celle-ci a pris feu, puis a été démolie, et l’arbre est mort. Johnson s’est fait tatouer une feuille de cet arbre à partir d’une photographie.

Paul Johnson, directeur principal de la foresterie urbaine et communautaire de la Sustainable Forestry Initiative, porte souvent un nœud papillon en bois.

Paul Johnson se souvient également du premier arbre qu’il a essayé d’abattre. Lors d’un autre séjour en camping, son père a fabriqué une hachette en pierre pour son fils, alors âgé de quatre ou cinq ans. À la maison, après le voyage en camping, le jeune Johnson a fait ce que l’on peut attendre d’un enfant.

« J’ai tenté d’abattre le pêcher familial avec cette hachette de pierre. Disons que ce geste n’a pas été très bien reçu, », ajoute-t-il.

L’arbre est resté debout pour un certain temps, mais était tellement endommagé qu’il est mort.

Paul Johnson a toujours aimé se retrouver en forêt. Il a grandi à Tulsa, dans l’Oklahoma – Tulsa est depuis 30 ans déjà une ville phare de Tree City USA (programme de reconnaissance des réalisations exceptionnelles en foresterie urbaine) – et a de beaux souvenirs de longues journées passées à chasser et à pêcher dans la propriété familiale et autour dans le sud-est de l’Oklahoma. Mais il ne s’attendait pas à faire carrière en foresterie. À l’adolescence, il pensait devenir physicien. Après l’école secondaire, il s’est inscrit à l’Université de l’Oklahoma, non pas en physique, mais en mathématiques, en partie parce qu’en tant que lauréat du National Merit Scholar, ça lui donnait une meilleure bourse d’études.

« Les cours  de calcul intégral niveau 3, à 8 heures du matin les lundi, mercredi et vendredi, c’était un peu au-dessus de mes capacités. Ça m’a surtout motivé à regarder les autres options qui s’offraient à moi », indique-t-il.

  1. Johnson, dont la mère était actrice et metteur en scène, est lui-même monté sur les planches dès l’âge de quatre ans et a joué dans des productions théâtrales communautaires jusqu’à la fin de ses études secondaires. Passer des mathématiques au programme de théâtre de l’université n’a donc pas été un grand saut pour Johnson. Il était également convaincu que l’inscription au programme de théâtre l’aiderait à augmenter sa moyenne, ce qu’il devait faire pour conserver sa bourse d’études.

« J’avais une moyenne générale de 1,77 (sur 4) après le premier trimestre à l’université, et je devais avoir une moyenne de 3,25 à la fin de l’année scolaire », souligne-t-il.

Après un trimestre de printemps et un trimestre d’été bien réussis, incluant 26 heures de cours et une moyenne de 4,0, Johnson a terminé son année avec une moyenne générale de 3,26.

Mais il savait bien que son avenir n’était pas sur scène.

Au cours du trimestre d’automne de sa deuxième année universitaire, Johnson a vu un film qui a changé sa vie : A River Runs Through It. Ce film de 1992, une histoire de passage à l’âge adulte basée sur la nouvelle semi-autobiographique de 1976 de Norman Maclean, se déroule à Missoula, dans le Montana, et dans ses environs.

« Il y a un court montage dans le film où ils mentionnent le service forestier américain et le fait de travailler en sylviculture pendant l’été. Cela m’a incité à avoir une conversation avec ma mère. Elle préparait un diplôme de maîtrise à l’Université d’État de l’Oklahoma, qui proposait un programme de foresterie, et elle m’a dit : « Et bien, allons voir. »

C’est ce qu’ils ont fait, et Johnson a changé d’école, juste à temps pour le prochain camp forestier d’été de l’État d’Oklahoma, qui se tenait à la forêt expérimentale Lubrecht de l’Université du Montana, juste à côté de Missoula, dans le Montana.

Il a obtenu diplôme de premier cycle en foresterie et a rencontré Rebecca, qui était également inscrite au programme de sylviculture de l’Université d’État d’Oklahoma. Le couple s’est marié quelques heures après la cérémonie de remise des diplômes et ne s’est plus quitté depuis.

« J’étais son flirt d’été et elle n’a pas encore trouvé le moyen de se débarrasser de moi », dit-il, le sourire aux lèvres.

Peu après l’obtention de leur diplôme et leur mariage, les Johnson se sont rendus dans le Colorado, où ils ont tous deux occupé des emplois saisonniers en foresterie – Rebecca au sein de l’US Forest Service et Paul au sein de l’Office des forêts du Colorado. Pendant qu’elle marquait le bois, Paul aidait l’agence d’État à organiser des célébrations de l’Arbor Day, des activités de plein air pour les jeunes et à aider les propriétaires à élaborer des plans d’aménagement forestier.

Paul a vite découvert qu’il aimait le contact avec le public. L’art oratoire, dit-il, est l’une de ses grandes forces, sa formation théâtrale y est sûrement pour quelque chose.

« Enseigner est l’une des choses que j’aime faire », indique Paul Johnson. « Au fil des ans, j’ai développé la capacité de me présenter devant une salle pleine de gens, de dialoguer avec l’auditoire et d’aider les gens à comprendre le sujet. »

Après six mois au Colorado, le couple est retourné en Oklahoma, où Paul a commencé à travailler pour une entreprise d’aménagement paysager à McAllister, une ville située dans le sud-est de l’État.

C’est ainsi qu’a débuté la carrière de Paul Johnson dans le domaine de la foresterie urbaine et communautaire. Après avoir occupé divers postes dans les services de foresterie urbaine et d’aménagement paysager, il a accepté en 2004 un poste de forestier urbain régional au sein du Texas Forest Service, basé à San Antonio, et a occupé le poste de chef du programme de foresterie urbaine et communautaire de l’agence, basé à Austin, de 2012 à 2021. Il a été président de la Société internationale d’arboriculture en 2019 et 2020. Il a rejoint la Sustainable Forestry Initiative (SFI) en tant que directeur principal de la foresterie urbaine et communautaire en 2021.

Lorsque Paul Johnson a entendu parler pour la première fois du poste à pourvoir au sein de la SFI, il a posé sa candidature presque sur un coup de tête. Il avait un bon emploi et était satisfait de son travail, mais il s’est dit que cela ne ferait pas de mal de mettre à jour son CV et de passer l’entrevue. Après l’entrevue et après avoir parlé de la SFI à ses collègues, Paul Johnson a décidé que la possibilité de participer à l’élaboration de la norme de durabilité des forêts urbaines et communautaires de la SFI était trop importante et ne pouvait être laissée de côté, même si cela doublait le temps qu’il lui restait avant la retraite.

Une norme qui arrive à point nommé

Au terme d’un processus de deux ans auquel ont participé l’ISA, American Forests, Arbres Canada, la Fondation Arbor Day, la Society of Municipal Arborists et de nombreuses autres organisations et personnes, la Norme de durabilité des forêts urbaines et communautaires a été approuvée par le conseil d’administration de la SFI en mai de cette année.

« La norme et les exigences de certification qui l’accompagnent ont la capacité d’apporter des changements, d’avoir un véritable impact sur la foresterie urbaine et communautaire, » a déclaré Paul Johnson. « Depuis plus de vingt ans, j’essaie de comprendre comment mieux atteindre les gens, comment mieux équilibrer les besoins des gens et des arbres. Je pense que cette norme est un excellent moyen d’y parvenir. Elle va faire une vraie différence, » ajoute-t-il.

la norme de durabilité des forêts urbaines et communautaires de la SFI

Les principes directeurs suivants résument et reflètent les idées fondamentales qui ont motivé l’élaboration de la Norme de foresterie urbaine et communautaire :

  • Les forêts et les arbres urbains et communautaires sont essentiels au bien-être, à la santé, à la résilience et à la durabilité des communautés.
  • Les forêts et les arbres urbains et communautaires, ainsi que les avantages qui en découlent, devraient être accessibles et disponibles à tous.
  • Les forêts et les arbres urbains et communautaires dépendent de la compréhension, de la sensibilisation, de l’appréciation, de la gestion et de l’engagement des communautés et des personnes pour prospérer.
  • Les forêts et les arbres urbains et communautaires nécessitent une planification, des soins et une gestion appropriés afin d’optimiser les avantages et de minimiser les risques.
  • Les forêts et les arbres urbains et communautaires sont des solutions naturelles à des problèmes urgents et des infrastructures vertes essentielles.

Les principes directeurs se traduisent par 16 objectifs :

Objectif 1 : Participation des collectivités et du public et respect des droits des peuples autochtones

Objectif 2 : Santé et bien-être humains

Objectif 3 : Protection et conservation de la biodiversité

Objectif 4 : Intendance des ressources naturelles, y compris l’air, l’eau et les sols

Objectif 5 : Santé et vitalité des forêts et des arbres urbains et communautaires

Objectif 6 : Sites d’intérêt particulier, y compris les espaces naturels

Objectif 7 : Gestion climato-intelligente

Objectif 8 : Planification des forêts urbaines et communautaires

Objectif 9 : Gestion et entretien des forêts et des arbres urbains et communautaires

Objectif 10 : Préparation, intervention et rétablissement relativement aux catastrophes

Objectif 11 : Renforcement des capacités

Objectif 12 : Utilisation du bois provenant des forêts urbaines et communautaires

Objectif 13 : Communications

Objectif 14 : Recherche, science et technologie

Objectif 15 : Conformité avec les lois et règlements

Objectif 16 : Présentation de rapports

La norme s’adresse aux organisations qui possèdent, gèrent ou sont responsables de forêts urbaines et/ou communautaires. Ces organisations de tous les milieux du secteur des forêts urbaines et communautaires peuvent demander la certification, y compris sans s’y limiter les organisations gouvernementales (municipalités, comtés, États, provinces), les organisations non gouvernementales, les peuples autochtones, les groupes communautaires, les organisations de soins de santé, les organisations éducatives, les entités du secteur privé et autres. Une certification tierce partie par un organisme indépendant accrédité par l’ANSI National Accreditation Board ou le Conseil canadien des normes est requise.
Étant donné que de nombreuses organisations œuvrant dans le domaine de la foresterie urbaine et communautaire n’ont pas les ressources nécessaires pour obtenir une certification de tierce partie pour l’ensemble de la norme de durabilité des forêts urbaines et communautaires, la SFI a développé une option de certification thématique en vertu de laquelle une ville, une communauté ou une organisation peut obtenir une certification de tierce partie pour un ou plusieurs sous-ensembles des objectifs de la norme intégrale correspondant à un thème particulier :

  • Action communautaire pour le mieux-être (30 indicateurs au total)
  • Résilience climatique (37 indicateurs)
  • Excellence en intendance environnementale (38 indicateurs)
  • Excellence en foresterie urbaine (44 indicateurs)

La nécessité et l’importance de cette nouvelle norme augmentent chaque jour, a déclaré M. Johnson

Une table ronde sur la foresterie urbaine lors du congrès annuel de la Sustainable Forestry Initiative à Vancouver (Colombie-Britannique), en mai 2023. De gauche à droite : Sharon Jean-Philippe, professeure de foresterie urbaine, Université du Tennessee ; Caitlyn Pollihan, première dirigeante et directrice générale de l’ISA ; Marten de Groot, secrétaire national, PEFC Pays-Bas  et Paul Johnson, directeur principal, foresterie urbaine et communautaire, Sustainable Forestry Initiative. Photo : SFI.

« La norme est importante parce que le secteur est relativement nouveau », signale Paul Johnson. « Les collectivités pratiquent la foresterie urbaine depuis toujours, mais ce n’est qu’assez récemment qu’on a commencé à parler de foresterie urbaine. Le terme n’était même pas en usage avant les années 1960, et il n’y a pas eu de programme fédéral (États-Unis) de soutien à la foresterie urbaine avant le Farm Bill de 1990. Et jusqu’à présent, il n’y avait pas de norme pour encadrer la foresterie urbaine. Si vous demandez aux gens comment faire de la foresterie urbaine, vous obtiendrez au moins autant de réponses que de personnes à qui vous posez la question », ajoute-t-il.

Paul Johnson a indiqué que le modèle Clark-Matheny d’évaluation des programmes de foresterie urbaine constituait une première étape importante. Ce modèle a été décrit dans un article publié en 1997 dans le Journal of Arboriculture par James R. Clark, Nelda P. Matheny, Genni Cross et Victoria Wake, intitulé “A Model of Urban Forest Sustainability” (Modèle de durabilité des forêts urbaines).

« Le Service des forêts des États-Unis a ensuite mis au point un programme d’audit des forêts urbaines qui disait : “Si vous avez un programme de foresterie urbaine, voici ce que vous devriez être en mesure de faire.” C’était un bon moyen de vérifier un programme particulier, mais pas la forêt urbaine dans son ensemble », explique Paul Johnson. « De plus, au cours des 10 ou 15 dernières années, les recherches sur les valeurs des écosystèmes et le lien entre les forêts urbaines et la santé humaine se sont multipliées, et nos connaissances dans ces domaines ne cessent de croître à pas de géant. Nous en arrivons à un point où il ne s’agit plus seulement d’études de corrélation, mais de véritables recherches évaluées par des pairs qui démontrent le lien de causalité, c’est-à-dire l’impact réel des arbres sur la santé humaine. Si l’on ajoute à cela les efforts déployés pour atténuer le changement climatique et s’y adapter, ainsi que les investissements fédéraux considérables consentis dans ce domaine, il n’y a jamais eu de meilleur moment pour travailler dans le domaine de la foresterie urbaine et communautaire. Je suis presque envieux que ma collègue Alix Olson soit au début de sa carrière, à un moment où il y aura tant d’opportunités que nous n’avons jamais vraiment eues auparavant, des opportunités d’atteindre des personnes avec lesquelles nous ne nous sommes pas encore engagés » précise-t-il.

Alix Olson, coordonnatrice de la foresterie urbaine et communautaire de la SFI, a récemment obtenu le titre d’arboriste certifié par l’ISA.

Les programmes de foresterie urbaine ont un impact positifs sur des millions de citoyens à travers les États-Unis et le Canada, souligne Paul Johnson.

« C’est la raison d’être de la norme. Elle aura des incidences positives sur les communautés d’au moins deux pays et pourrait avoir des répercussions dans d’autres pays, qu’il s’agisse d’impacts directs ou secondaires », indique-t-il. « Il a été très satisfaisant d’utiliser les résultats de recherches et les connaissances les plus récentes et les plus pointues pour définir des moyens concrets d’aider les arbres à survivre et à prospérer dans nos communautés, et de travailler sur une norme qui aura un impact immédiat sur l’environnement », ajoute-t-il.

À titre d’exemple, Paul Johnson fait référence à des recherches menées dans le cadre du projet Green Heart Louisville, dans le Kentucky, qui évaluent les effets positifs des forêts urbaines.

« Cette étude démontre que la plantation d’arbres autour d’une école améliore immédiatement la qualité de l’air. D’habitude, nous parlons des effets qui se feront sentir dans plusieurs années. En utilisant des arbres plus grands et des conifères pour maximiser l’impact, les chercheurs ont installé des capteurs de qualité de l’air un vendredi, ont planté les arbres le samedi et la qualité de l’air s’est immédiatement améliorée. C’est énorme! Si vous pouvez avoir un tel impact aussi rapidement, et si vous ajoutez à cela la valeur de l’ombre en été et toutes les autres valeurs des forêts urbaines, nous pouvons avoir un impact direct et majeur sur tous les citoyens, en utilisant les arbres comme outil de travail principal, » enchaîne-t-il.

Les arboristes et les forestiers urbains savent très bien que ces professions impliquent bien plus que des arbres.

Selon Paul Johnson, « Il s’agit d’arbres et de personnes. Ou les gens et les arbres, selon le point de vue que l’on adopte. C’est ce qui rend la foresterie urbaine si unique. Il s’agit toujours d’aménagement forestier, que l’on veuille ou non l’appeler ainsi en milieu urbain – c’est de la biologie, c’est la science des arbres et de leur croissance. Mais c’est aussi l’intersection entre tant d’arbres et de personnes, ce qui en fait un environnement unique. La foresterie urbaine maximise les avantages et minimise les risques des arbres urbains. Et cela fait partie intégrante de la norme elle-même. »

Le développement de la Norme de durabilité des forêts urbaines et communautaires est une étape importante pour la SFI, mais Paul Johnson ose aller plus loin.

« Je considère l’année 2023 comme un véritable point d’inflexion pour la foresterie urbaine et communautaire. Nous avons eu l’occasion de participer activement à ce point d’inflexion », déclare-t-il. « Cela revient à vouloir faire la différence. Notre organisation est vraiment importante et cette mission l’est encore plus », conclut-il.

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