Par Lauren T. Cooper, agente de conservation en chef de la SFI
Ces temps-ci, le carbone et le climat se retrouvent souvent au cœur des discussions en matière d’aménagement forestier, ce qui amène les propriétaires de terres forestières à se demander : « Qu’est-ce que cela signifie pour moi? Comment prendre des décisions à partir de ces informations? Comment équilibrer ces décisions de gestion avec d’autres objectifs, en particulier en tenant compte de mes arbres et de mes forêts dans l’ensemble? »
À la SFI, nous aidons les propriétaires de terres forestières à prendre des mesures pour garantir la pérennité de leurs forêts. Les changements climatiques menacent les forêts d’Amérique du Nord en modifiant les conditions dans lesquelles les arbres grandissent aujourd’hui. Cela crée de l’incertitude et modifie notre compréhension de ce que signifie l’aménagement forestier durable. C’est pourquoi nous menons des discussions avec les propriétaires forestiers sur la manière dont ils peuvent adapter leurs pratiques pour assurer que leurs forêts continuent à croître de manière optimale. Nous travaillons en étroite collaboration avec des experts et des propriétaires fonciers pour combler le fossé entre la recherche et la réalité sur le terrain, toujours dans le but d’aider les propriétaires de terres forestières à prendre des décisions éclairées.
Les forêts séquestrent beaucoup de carbone. En effet, le rôle des forêts dans l’élimination des polluants de l’air et dans l’émission d’oxygène est difficile à surestimer. Il y a plus de carbone stocké dans les terres certifiées SFI que n’en émettraient 30 milliards de voitures à essence en un an. Le dioxyde de carbone et les autres gaz à effet de serre agissent comme une couverture : ces gaz piègent la chaleur que la Terre diffuserait autrement dans l’espace. Les gaz à effet de serre, en particulier le dioxyde de carbone, jouent un rôle crucial dans la régulation de notre climat en piégeant la chaleur dans l’atmosphère, ce qui nous permet de prospérer sur la planète Terre. Cependant, plus les taux de dioxyde de carbone dans l’atmosphère augmentent, plus la chaleur est retenue, ce qui entraîne une augmentation des températures moyennes mondiales et des effets des changements climatiques qui y sont associés. Le carbone que les arbres éliminent de l’atmosphère permet à la chaleur de la Terre de se dissiper, ce qui contribue à atténuer le réchauffement et à maintenir l’équilibre du système terrestre. Par conséquent, des forêts saines et florissantes qui extraient le carbone de l’air représentent une grande partie de la réponse aux effets des changements climatiques.
Les forêts font également partie de la solution aux changements climatiques en tant que source de matériaux durables, y compris l’industrie des produits du bois, un secteur caractérisé par l’innovation constante. Les produits du bois stockent le carbone tout au long de leur cycle de vie et de nombreuses études démontrent que l’impact environnemental des matériaux de construction en bois est faible par rapport à d’autres matériaux de construction courants. Les bâtiments en bois massif s’inscrivent dans cette tendance fort encourageante qui met l’accent sur le carbone stocké ainsi que sur la beauté et la durabilité du bois. À titre d’exemple, le nouveau terminal de l’aéroport de Portland sera doté d’un immense toit en bois, provenant en grande partie des forêts de la nation Yakima, qui sont certifiées selon la Norme d’aménagement forestier SFI.. Le bois peut remplacer d’autres matériaux à plus forte intensité de carbone pour de nombreux usages, des vêtements aux ustensiles de cuisine en passant par les emballages.
Cela étant dit, le carbone n’est qu’un élément d’information parmi d’autres lorsqu’il s’agit de l’aménagement durable des terres forestières. Parmi les avantages environnementaux et économiques d’une forêt saine figure sa capacité à absorber et à stocker le carbone dans les arbres, le sol et la biomasse. Plutôt que de se concentrer uniquement sur le stockage et la séquestration du carbone, il est important de prendre en compte la résilience et la santé globales de la forêt. La certification SFI adopte une approche équilibrée envers la santé des forêts. Même si la séquestration du carbone peut sembler être une nouvelle valeur pour les forêts, elle s’inscrit dans le droit fil de décennies de bonnes pratiques axées sur la durabilité et sur la régénération des forêts.
La SFI est un chef de file de la gestion du carbone forestier
Le bois est une ressource renouvelable qui présente de nombreux avantages par rapport à d’autres matériaux plus polluants. Néanmoins, cela ne signifie pas que nous pouvons supposer que tout le bois récolté fait partie de la solution aux changements climatiques. C’est là qu’intervient la certification selon les normes de la Sustainable Forestry Initiative. Et dans la dernière série de révisions apportées à la Norme d’aménagement forestier SFI, nous abordons explicitement cette notion de foresterie adaptée à l’évolution du climat. En réduisant les émissions des opérations forestières et en pensant à la santé des forêts et à la résilience climatique dans le futur, vous pouvez prendre des mesures en tant que propriétaire foncier pour vous assurer que votre forêt est saine et qu’elle contribue à la réponse aux changements climatiques.
La Norme d’aménagement forestier de la SFI est claire et précise à cet égard. Sous l’Objectif 9 – Foresterie adaptée à l’évolution du climat, la Mesure de performance 9.1 indique que toute organisation certifiée sfi doit déterminer les incidences possibles des changements climatiques sur les ressources et les activités forestières, y répondre et formuler des objectifs et des stratégies d’adaptation appropriés. Ces stratégies doivent se fonder sur une information scientifique de la plus haute qualité.
La régénération fait partie des normes SFI depuis longtemps, au même titre que d’autres indicateurs de résilience de la santé des forêts. Cela dit, les changements climatiques posent de nouveaux défis à la régénération, tels que de nouveaux facteurs de stress pour certaines espèces, comme la chaleur, la sécheresse, les ravageurs et les espèces envahissantes. La sécheresse et la chaleur entraînent également un risque accru d’incendie, qui affecte toutes les espèces et peut entraîner des problèmes de régénération.
Dans la région Pacifique Nord-Ouest des États-Unis, 2,8 millions hectares de forêts dans l’État de Washington, 405 000 hectares dans l’Idaho et 280 000 hectares de forêts dans le Montana sont certifiés selon la Norme d’aménagement forestier SFI. Pour obtenir la certification SFI, les exploitations forestières doivent faire l’objet d’audits indépendants afin de s’assurer qu’elles respectent les exigences de la Norme d’aménagement forestier SFI 2022. Les forêts certifiées selon cette norme SFI doivent respecter ou dépasser les exigences et dispositions des lois et de la réglementation en matière de conservation de l’environnement, de manière à protéger l’eau et les zones humides, les habitats et la biodiversité, et de conserver les espèces végétales et animales à risque, afin de réussir un audit par une tierce partie. Les normes SFI ont pour objectif d’améliorer la santé de toutes les forêts, qu’elles soient naturelles ou plantées.
La Norme d’approvisionnement en fibre SFI 2022 a été spécialement conçue pour influencer des millions de propriétaires de terres forestières supplémentaires par le biais de la promotion, de l’éducation, de la formation et de la sensibilisation. Ceci est accompli de multiples façons, y compris en abordant la conservation de la biodiversité dans les récoltes de bois de coupe achetés, et en utilisant les services de professionnels de l’exploitation forestière qualifiés, de professionnels de l’exploitation forestière certifiés, et de professionnels des ressources. Les organisations certifiées SFI doivent également investir dans la recherche forestière, la science et la technologie, et développer des systèmes de contrôle vérifiables pour évaluer l’utilisation des meilleures pratiques de gestion dans l’ensemble de la zone d’approvisionnement en bois et en fibres. En outre, la Norme d’approvisionnement en fibres SFI exige que les organisations certifiées, en collaboration avec des associations et des partenaires, sensibilisent davantage le public aux impacts des changements climatiques sur les forêts, la faune et la flore et la diversité biologique.
La Mesure de performance 5.3 de la Norme d’approvisionnement en fibre SFI 2022 stipule que les organisations certifiées doivent, « individuellement ou en collaboration avec les comités de mise en œuvre des normes SFI, des associations ou d’autres partenaires, accroitre la sensibilisation aux incidences des changements climatiques sur les forêts, la faune et la biodiversité ».
Mise en œuvre de la foresterie intelligente en matière de carbone avec la SFI
À la SFI, nous avons de l’expérience dans le développement d’outils et la prestation de conseils pour s’assurer que les organisations certifiées assurent l’aménagement de forêts résilientes. Après avoir ajouté les exigences en matière de foresterie climato-intelligente à la Norme d’aménagement forestier SFI en 2022, nous avons mis en œuvre une série d’ateliers à travers l’Amérique du Nord, y compris dans la région Pacifique Nord-Ouest des États-Unis, pour écouter les propriétaires forestiers et d’autres acteurs du secteur. Entre autres, nous avons demandé aux partie prenantes : « Quelles sont les préoccupations régionales en matière d’adaptation au changement climatique? Quelles sont les actions et les décisions prises actuellement pour répondre à ces préoccupations? » Et nous nous sommes associés à l’Université de l’État du Michigan pour rédiger un rapport qui sera publié dans quelques mois, détaillant les moyens d’aborder ces impacts des changements climatiques et de mettre en œuvre les solutions complexes qui s’imposent. Pour ce faire, nous sommes d’avis qu’il faut entreprendre cette réflexion à l’échelle régionale et selon chaque type de forêt spécifique.
Certaines solutions intelligentes en matière de climat sont simples, bien que potentiellement coûteuses, comme le remplacement des ponceaux pour augmenter le débit de l’eau. D’autres solutions pourraient impliquer des changements substantiels dans la manière dont nous gérons nos forêts. Par exemple, étant donné que les espèces individuelles pourraient devenir plus vulnérables aux menaces telles que les ravageurs, les agents pathogènes ou les incendies à l’avenir, certains gestionnaires forestiers envisagent d’accroître la diversité des espèces en tant que stratégie de résilience climatique. Les changements climatiques exigent que nous fassions place à une nouvelle réflexion sur l’ensemble des pratiques de foresterie – tant pour la protection des forêts anciennes que pour la gestion plus intensive des ressources forestières.
En juin dernier, des centaines de professionnels du secteur forestier se sont réunis à Atlanta pour le congrès annuel 2024 de la SFI. J’ai animé une table ronde intitulée Closing the Gap : Climate Science and Sustainable Forest Management (Combler le fossé : la science du climat et la gestion durable des forêts). J’ai partagé la scène avec un chercheur scientifique, un cadre du secteur forestier et un dirigeant d’une agence fédérale. Nous avons discuté des moyens par lesquels l’aménagement forestier judicieux peut améliorer le potentiel des forêts à séquestrer et à stocker le carbone. La certification SFI et le réseau SFI font progresser ces discussions pratiques et relient directement les solutions aux normes.
Le panel a proposé des idées novatrices à mettre en œuvre par les propriétaires de terres forestières pour rendre leurs forêts plus résilientes face aux changements climatiques et plus performantes sur le plan du carbone, y compris :
- Installer des ponceaux ou des ponts plus grands pour résister aux pluies plus fortes et aux inondations.
- Modifier la conception des routes pour réduire le risque qu’une inondation les emporte.
- Concevoir des routes qui servent aussi de coupe-feu.
- Envisager des interventions forestières novatrices telles que la récolte de rétention, les coupes progressives et la protection des grands arbres.
- Modifier le calendrier des récoltes afin d’éviter de travailler dans la forêt par temps humide, comme au printemps.
- Collaborer avec les détenteurs du savoir traditionnel et les intervenants autochtone pour la mise en œuvre de pratiques d’intendance adaptées aux changements climatiques.
- Aider à la migration des arbres, en tenant compte des espèces qui pourront mieux s’adapter aux conditions climatiques futures.
À l’Université d’État du Michigan, j’ai réussi à lancer le Programme « Forêts, Climat et Carbon » (Forest Carbon and Climate Program) pour aider les gens à comprendre comment les arbres stockent le carbone et pourquoi les forêts sont des acteurs clés dans la lutte contre les changements climatiques, en travaillant avec d’autres scientifiques de la conservation pour transformer des recherches complexes en informations utiles et conviviales pour les propriétaires de terres forestières. Aujourd’hui, au sein de la SFI, je poursuis ce travail important en aidant les organisations certifiées SFI, les exploitants forestiers et les consultants en foresterie à mieux comprendre et à appliquer les normes SFI dans leurs activités quotidiennes. Les normes SFI sont des outils efficaces pour soutenir l’augmentation du stockage ou de la séquestration du carbone, ce qui est un résultat hautement souhaitable en foresterie.
De nouvelles recherches élargissent sans cesse notre compréhension des impacts des changements climatiques, et nous devons donc innover en permanence pour trouver de nouvelles façons de gérer nos forêts afin qu’elles puissent relever les défis de l’avenir. La SFI s’engage à interpréter l’évolution rapide de la recherche scientifique pour soutenir la prise de décision afin que le stockage du carbone et la résilience climatique puissent être pris en compte au même titre que d’autres valeurs forestières. Les normes SFI fournissent un cadre permettant d’accroître la rigueur avec laquelle nous prenons soin de nos forêts. Lorsque nous prenons soin de nos forêts avec rigueur, nous optimisons leur potentiel à prendre soin de nous en retour.
Une version de cet article a été publiée (en anglais) dans l’édition de l’automne 2024 du Northwest Woodlands Magazine.