Lauren Cooper, agente de conservation en chef à la SFI
Vu l’actualité récente, on entend rarement les mots « bon » et « feu » dans une même phrase. En effet, les collectivités de toute l’Amérique du Nord sont aux prises avec des feux de forêt plus fréquents et plus destructeurs. Il peut être difficile de voir à travers la fumée et de comprendre que le feu peut parfois être bénéfique. Les incendies présentent à la fois des défis et des possibilités dans les forêts américaines et canadiennes.
Dans le Sud-Est des États-Unis, les brûlages contrôlés sont essentiels à la régénération des forêts de pins des marais, maintenant menacées en raison de la suppression des incendies. En revanche, les forêts boréales du Canada connaissent naturellement d’intenses feux de forêt qui deviennent de plus en plus imprévisibles en raison des changements climatiques. Bien que ces incendies posent des risques importants, l’aménagement forestier durable et stratégique, y compris les brûlages dirigés et la réduction des combustibles, peut atténuer les menaces et favoriser des paysages résilients.
Nous devons accepter le feu en tant que pratique d’aménagement forestier. Les incendies de forêt peuvent avoir un éventail d’impacts; ils peuvent être aussi catastrophiques et dommageables qu’une perturbation bénéfique pouvant favoriser la santé et la résilience des forêts. La Norme d’aménagement forestier SFI met l’accent sur la résilience au feu et comprend la réduction de la sensibilité des terres détenues ou gérées par des organisations certifiées aux impacts indésirables du feu.
Le pin des marais du Sud-Est des États-Unis
Le pin des marais est un pin assez remarquable : il peut vivre des centaines d’années. Il peut être utilisé pour produire des poteaux électriques et du bois d’œuvre. Ses aiguilles, qui peuvent devenir aussi longues que votre avant-bras, sont également utiles; certaines collectivités autochtones, dont la tribu Alabama-Coushatta au Texas, tissent les aiguilles pour en faire des paniers, et les jardiniers les apprécient comme paillis attrayant pour contrôler l’érosion et bloquer les mauvaises herbes.
Les forêts de pin des marais, un pin jaune du Sud, s’étendaient autrefois sur plus de 350 millions d’hectares du Sud-Est des États-Unis, de la Virginie à la Floride et jusqu’aux forêts de pins du Texas. Aujourd’hui, le pin des marais est une espèce en voie de disparition. Les forêts de pins des marais ont été réduites à seulement un million deux cent mille hectares et ont depuis fait un retour modeste, couvrant maintenant plus de deux millions d’hectares. La principale raison de la disparition de ce pin : l’extinction pendant plus d’un siècle des incendies dans le paysage. Cette espèce a besoin du feu pour se développer, ce qui crée des conditions optimales pour la germination. L’écorce épaisse des arbres plus âgés les empêche de brûler.
« C’est vraiment une forêt créée par le feu », a déclaré Carol Denhof, présidente de la Longleaf Alliance, basée en Alabama, aux participants au congrès annuel de la SFI à Atlanta cet été. Il n’existera pas sans l’utilisation du feu dans le système. Nous faisons valoir les avantages du feu. »
L’utilisation contrôlée du feu pour promouvoir le pin à des marais présente de nombreux avantages. Le colin de Virginie, la gophère polyphème, le serpent indigo, le pic à face blanche, la grenouille des terriers et la salamandre réticulée ne sont que quelques-unes des espèces qui prospèrent dans une forêt de pins des marais. Pour élargir l’habitat de ces espèces, il ne suffit pas de planter des pins des marais, selon Mme Denhof.
« Sans feu, ces peuplements de pin des marais qui ont été fraîchement plantés finiront par devenir quelque chose d’autre », a déclaré Mme Denhof. Ce ne seront pas des pins des marais très longtemps. Nous travaillons beaucoup avec des propriétaires fonciers privés, et beaucoup d’entre eux n’ont pas les ressources, les connaissances ou la capacité de mettre en œuvre des feux sur leurs terres. » L’Alliance aide les propriétaires fonciers à apporter du feu dans leurs forêts pour régénérer le pin des marais et a même créé une mascotte : une caille blanche nommée Burner Bob, qui se rend dans les collectivités avec un chalumeau surdimensionné pour faire valoir l’utilisation du feu comme outil d’aménagement forestier.
Les forêts boréales canadiennes
Les feux de forêt sont également un mode de vie dans un autre écosystème forestier : les vastes forêts boréales qui s’étendent à travers le Canada. Selon Jen Beverly, professeure agrégée en matière de feux de forêt à l’Université de l’Alberta, les feux intenses qui s’élèvent du sol et se propagent au couvert forestier constituent un régime de perturbation naturelle, et les efforts de suppression n’élimineront jamais le feu de cette forêt.
« C’est incroyable, c’est un spectacle, s’est exclamée Mme Beverly, qui, plus tôt dans sa carrière, a fait partie d’une équipe héliportée de lutte contre les feux de forêt. J’ai vu beaucoup de ce genre de feux, et c’est vraiment phénoménal… Jusqu’à ce que cela ait un impact sur quelque chose qui vous tient à cœur. »
Crédit photo : Forêts et Parcs Alberta
En 2023, des feux de forêt ont ravagé des forêts partout au Canada, brûlant un nombre record de 17 millions d’hectares, une superficie plus grande que celle de la Grèce, et forçant des évacuations massives. Cette étendue brûlée, plusieurs fois supérieure à la moyenne annuelle, a été une leçon pour Mme Beverly : il est maintenant impossible de prédire quand un incendie se produira. « Nous ne pouvons plus compter sur le passé pour préparer l’avenir », a-t-elle déclaré. Cependant, son équipe a des suggestions sur la façon de faire face aux feux de forêt.
En étudiant les arbres servant de combustible et les autres choses qui peuvent brûler, l’équipe de Mme Beverly est en mesure de cartographier le risque d’incendie. Quand les collectivités savent par quels moyens les incendies de forêt pourraient se propager localement, les résidents peuvent prendre des mesures pour protéger leurs propriétés pour qu’elles soient moins susceptibles de brûler, a déclaré Mme Beverly.
Les recherches de Mme Beverly offrent quelques lueurs d’espoir. D’une part, les incendies depuis 2010 ont réduit les combustibles, réduisant ainsi la menace d’incendies catastrophiques dans certaines forêts. L’analyse de la saison record des incendies de 2023 au Canada montre qu’à certains endroits, les forêts les plus anciennes étaient plus susceptibles de brûler. En coupant certains des arbres les plus anciens, les gestionnaires pourraient être en mesure de réduire la menace des incendies de forêt.
Regard vers l’avenir
Durant des millénaires, les collectivités autochtones utilisaient le feu comme outil d’aménagement forestier partout en Amérique du Nord. Le feu présente des risques, mais peut aussi parfois offrir des avantages. Une planification minutieuse peut empêcher les incendies de menacer les collectivités. Dans certains cas, l’exploitation du feu sous forme de brûlages dirigés peut aider les forêts à se régénérer.
L’avenir présentera à la fois des défis et des possibilités pour les forêts dans la lutte contre les incendies de forêt. L’arène sociale et politique dans laquelle s’inscrit l’aménagement forestier sera façonnée par les tendances convergentes de l’intensification des changements climatiques, de la croissance démographique et économique et des pressions sur l’utilisation des terres. Nous nous attendons à ce que le secteur forestier fasse l’objet d’une surveillance plus stricte dans tous les aspects de l’aménagement qui influencent le nombre et l’intensité des incendies : brûlages dirigés, atténuation des risques, pertes catastrophiques, restauration et responsabilité dans la prise de décisions forestières.
Il y a aussi une énorme occasion de sensibiliser le public aux nombreux avantages que les forêts bien aménagées offrent à la société en matière de réduction des risques d’incendie, de gestion des combustibles et de la valeur des feux contrôlés. La SFI est particulièrement bien placée pour contribuer à ce travail grâce à sa présence (près de 150 millions d’hectares), qui lui permet de proposer des solutions directement et à grande échelle, grâce à son réseau vaste et diversifié et aux approches scientifiques soutenues par ses normes.